Un jour, ça te passera

Publié le 13 Décembre 2016

Un jour, ça te passera

"Tu verras, un jour, ça te passera !"

Cette phrase ne faisait pas écho à un défi idiot de ma part (et il y en a)... comme vouloir m'entraîner pour le prochain marathon. Alors que je prends l'ascenseur pour rentrer chez moi... au 1er étage.

Elle ne faisait pas non plus écho à l'envie délirante de transformer mon appartement en gruyère, après avoir retrouvé ma perceuse au fond de la cave.

Ni à celle de me mettre à la Flûte de Pan, en ressortant glorieusement mon vieux CD d'Ocarina (j'imagine d'ailleurs qu'il n'était pas utile de préciser "vieux" CD).

...Non, rien de tout cela...

En fait, cette phrase, je l'ai entendue à de bien nombreuses reprises. La cause : une lubie des temps modernes qui se nomme :

v é g é t a r i s m e

Mode de vie dont les adeptes sont appelés les "végétarés", n'est-ce pas (du coup, je n'ose même pas parler du végétalisme et du véganisme, au risque de m'exposer à la camisole !)

Et quand je dis "lubie des temps modernes" , c'est parce que l'un des arguments principal qui est servi, pour démolir les piliers de ce mouvement bienfaisant, c'est "qu'on a toujours mangé de la viande".

OK. Donc si je comprends bien : on a bien voulu évoluer sur absolument tout (à moins qu'on ressemble encore à Bill et Bob ci-dessous), mais évoluer concernant le bout de viande qui fait souffrir et qui pollue, CA NON !

Un jour, ça te passera

Bref, 4 ans que ça dure, cette histoire [poker face]

Evidemment, cette intervention est toujours faite dans un élan sincère, faussement teinté d'humour. Histoire de pouvoir justement se défendre du fait que... bien, c'était de l'humour, Janine ! Et qu'en fait, "c'est toi qui n'es pas drôle".

Mais c'est vrai : j'ai perdu ma joie de vivre le jour où j'ai compris que nos cadavres nourriciers n'en avaient jamais eue. Et en plus de penser un peu trop fort, je me suis mise à le dire fort aussi. Le fléau des "mieux-pensants" , quoi :-) [fin du mode Auto-dérision]

Donc voilà.

4 ans à essayer de démotiver, dévaloriser et discréditer mon évolution de vie, tandis que j'essaye toujours d'exister de manière plus raisonnée, plus éthique, plus morale, plus juste, plus respectueuse. Et de rêver d'un monde meilleur.

4 ans d'incitations, de suggestions, de sous-entendus, de rabâchages discrets mais récurrents, de boutades où on n'arrive plus vraiment à se comprendre... tout ça, pour que j'abandonne cette perspective totalement fantaisiste et insensée.

Quelle est-elle ?

Ne plus faire souffrir, et particulièrement pour des besoins qui nous sont (très) dispensables.

Oui, je sais, c'était quelque part naïf de ma part que d'espérer les ovations du public, avec ce projet fou... le Bisounours Gros Rêveur n'a jamais eu beaucoup de popularité, j'aurais dû m'en souvenir le jour où j'ai décidé de porter une cape et des coeurs sur le bidon !

Un jour, ça te passera

En tous cas, une chose est désormais sûre et officielle : on se fait beaucoup moins chier à annoncer qu'on vient d'acheter une voiture hyper-polluante (mais super sympa quand même, la bagnole), ou que son petit plaisir du dimanche matin, c'est de se siffler un pot d'1kg de Nut(chut)a qui déforeste allègrement les forêts primaires de ce monde, et exploite des petits enfants en Roumanie [breaking-news]. 

Certains diront peut-être qu'ils servent au moins à quelque chose, ces gosses, au lieu de faire la manche dans le métro en jouant (mal) de l'accordéon. Mais c'est un autre débat que je n'ai pas la force, ce soir, de tenir !

En effet, il faut bien comprendre que cette vie d'espoirs et de frustrations mêlés, ce militantisme collé au corps du matin au soir, me pompent toute mon énergie ! (vous me direz, ce sont peut-être les premières manifestations de mes carences)

Car années après années, je dois m'appliquer à répondre que :

"Non, ça ne me passera pas."

Avec le sourire, bien sûr, et la volonté de n'imposer aucune violence à mon entourage... c'est que je ne voudrais pas récupérer la casquette de la "fille désagréable", en plus du reste ! Et parallèlement, je dois gérer l'attaque absolue dégainée contre les végéta*iens :

la carotte qu'on râpe dans d'atroces souffrances et dont on ignore, nous aussi, le cri déchirant.

Sans oublier d'expliquer pour la 150ème fois à la boulangère (ou à la copine du copain du voisin) que "Oui, le thon est bien un animal" et que "Non, je ne peux/veux donc pas en manger"...

Ceci est bien un animal. Enfin... "était" :-p

Ceci est bien un animal. Enfin... "était" :-p

Alors évidemment, on peut se demander comment je pourrais être aussi sûre de ne pas "craquer" un jour ? Après tout, Johnny Hallyday a pensé arrêter sa carrière un paquet de fois, avant de se décider à ... ne pas arrêter tout de suite. Et puis une vie (d'humain), c'est quand même long ! Sans oublier le spectre du rôti "au bon goût d'antan" ! Vous savez, lorsque nous faisions un puits dans notre purée pour y faire couler le jus de viande (sang) caramélisé...

Oh... et ce barbecue fièrement brossé chaque été, pour titiller les narines du voisinage ?!

C'est vrai, il faut tout de même être sacrément ingrat, insensible et rigide, pour renoncer ainsi aux plaisirs régressifs et à la convivialité de la "viande partagée".

On me l'a d'ailleurs déjà demandé plusieurs fois :

"Mais c'est pas trop difficile ?"

Difficile ?

Laissez-moi réfléchir deux minutes... si vous voulez, pour l'humaine que je suis actuellement, ma vie serait difficile si j'étais constipée pendant 10 jours, avec des hémorroïdes. Ou si j'avais des hémorroïdes tout court, d'ailleurs. Et que Dieu me garde d'un destin plus sordide !

Non, ce qui est vraiment difficile, ce n'est franchement pas mon CHOIX de vie, mais plutôt les CONTRAINTES terribles qu'on impose à des êtres sensibles :

  • pour ce canard dont on se délecte du foie, en ignorant volontairement les heures qu'il a passées à attendre entre des rails métalliques, avant que la prochaine sonde ne lui soit engouffrée violemment dans l'oesophage ?

 

  • pour ces poissons qui ne verront que le fond d'un bassin, avant qu'on ne vienne leur fendre le ventre pour leur voler les oeufs ?

 

  • pour une mère et son veau qu'on sépare dès la naissance, et pour qui la vie ne sera qu'exploitation, frustration et/ou abattoir ?

 

  • pour ces cochons dont on entrave les mères allaitantes entre des barreaux de métal, à qui on retire la queue et les dents pour éviter les "blessures de promiscuité", et qu'on engraissera en quelques semaines seulement pour finir détaillés au rayon boucherie et charcuterie ?

 

... difficile, comme pour ces 142 milliards d'animaux abattus (par an) qui, pour la grande majorité : n'auront pas vu le jour, ni connu l'air frais, le vent, la pluie, n'auront pas pu se lever ou se coucher, jouer, se détendre... avoir une vie à eux. Pour eux.

[Crédit : dessin de Catherine, Charlie Hebdo]

[Crédit : dessin de Catherine, Charlie Hebdo]

Finalement, comme j'ai plutôt une tendance à respecter les être vivants et sensibles, sur cette planète, j'ai trouvé plus cohérent, plus juste, et plus sain de les laisser tranquilles.

Mais vraiment tranquilles, hein : sans la perspective de finir en saucisse, en brochette ou en hachis, même sous couvert d'un "Oui, je sais, on les tue... mais ils ont bien été élevés, par contre !"

Ah bah écoute, s'ils ont été exploités avec paillettes (bonus) et cotillons (superbonus), ça va super bien pour eux en effet ! [poker face n°2]

Donc :

pour suivre la voie d'un vieux sage en toge jaune qui a dit un jour (ou un truc du genre) :

"La paix commence dans l'assiette"

... je confirme solennellement ce soir, et devant des millions de témoins :

Non, ça ne me passera pas ;-)

Un jour, ça te passera

Rédigé par Albane Sören

Publié dans #Végéta*isme

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